Aux Tuilières, les enjeux de l’arrosage par forage

Notre commune, vous le savez, peut s’enorgueillir de posséder une zone agricole de près de 30 hectares, où l’eau est mise à disposition des propriétaires par un système très ancien de canaux d’irrigation par gravitation. Ce quartier dit « des Tuilières », qui existe depuis 240 ans, est aujourd’hui à la croisée des chemins. Pourquoi ?

Avec la loi sur l’eau mise en œuvre il y a quelques années, il est désormais impossible pour l’ASA (association des propriétaires qui s’occupe du quartier des tuilières et plus spécifiquement de l’irrigation) de mettre en œuvre dans les mêmes conditions qu’avant la mise en eau de ses canaux. La Direction Départementale des Territoires, seule habilitée pour donner ou pas son autorisation chaque année, a maintenu l’autorisation pour l’ASA à condition que celle-ci s’engage dans des travaux de réflexion de pérennisation de la prise d’eau. Qu’est-ce que cela signifie ? Très clairement, les différents services responsables de la politique de l’eau nous ont amenés à réfléchir à la mise en place d’un forage, et donc l’abandon pur et simple du système gravitationnaire. Cette option du forage implique l’arrivée de l’eau sous pression à la parcelle par la disposition de tuyaux couvrant l’ensemble de la zone.

Si le coût de tels aménagements n’est pas négligeable, il est clair que cela est un énorme atout pour les producteurs agricoles de la zone de pouvoir disposer d’une ressource en eau sous cette forme là : garantie d’un niveau de pression stable, possibilité d’une gestion de l’arrosage beaucoup plus rigoureux et professionnel (aujourd’hui on en est encore à un système d’inondation loin d’être efficient), gestion plus raisonnée des restrictions éventuelles… Indépendamment du coût donc, ce système est sans doute le plus intéressant pour les agriculteurs menant des cultures nécessitant un arrosage régulier et d’un niveau moyen (maraîchage par exemple).

Evidemment ce choix ne peut plaire à tous. Bien évidemment il est dommageable de devoir assister à la disparition progressive d’un patrimoine historique fort. Bien évidemment ces canaux, creusés par nos ancêtres représentent encore aujourd’hui une forme de gestion familiale de l’eau, artisanale. Bien évidemment, l’investissement pour une structure aussi petite que l’ASA des Tuilières est très important. Mais …

Mais la loi sur l’eau implique de repenser le niveau et la forme des prélèvements en eau sur les différents bassins versants. La ressource en eau est chaque année plus problématique. Cette loi implique de mettre en œuvre des systèmes plus efficaces et surtout permettant de répondre aux restrictions toujours plus récurrentes (cet été nous devons fermer l’alimentation en eau 2 jours par semaine ce qui n’est pas sans poser des problèmes à beaucoup).

Mais l’arrivée de l’eau sous pression à la parcelle doit permettre d’éviter les gaspillages que l’on constate encore aujourd’hui et qui sont d’autant plus insupportables que l’on est en période de restriction (mise en place de goutte à goutte, d’aspersion …).

Mais la gestion de l’ASA est très complexe aujourd’hui puisque l’incivilité dont chacun entend parler au journal télévisé se retrouve aussi dans des structures comme celle-ci. Nombre de propriétaires ne respectent pas leurs devoirs et réclament pourtant le respect de leur droit à l’eau. Les types d’agricultures sont si différents, tout comme les méthodes de travail et surtout les attentes de chacun. Nous le constatons cette année, le système d’irrigation a été en début de saison basé sur la concertation, le dialogue, le travail en commun, la bonne intelligence. Mais malheureusement ces valeurs se sont vite heurtées à des réalités plus terre à terre. Et l’on sent bien aujourd’hui que l’on est arrivés au bout d’un système et qu’il est temps de le repenser. Qu’il est temps aussi sans doute de repenser l’agriculture au sens large et plus spécifiquement celle des Tuilières bien évidemment. Mais là encore, chacun est face à ses responsabilités, à ses propres réflexions, projets et envies.

La seule chose à laquelle va nous obliger cette nouvelle politique de l’eau, c’est de nous mettre autour d’une table, de discuter afin de dégager un consensus où toutes et tous puissent s’y retrouver. Nous serons tous dans l’obligation de faire des concessions, de nous adapter, mais n’est-ce pas là la définition même du métier d’agriculteur.

Nous avons aujourd’hui la possibilité de mener à bien ces projets avec des taux de financements publics très importants, nous avons la possibilité d’être aidés à tous les échelons de nos demandes par des structures très compétentes (SYGRED, Agence de l’Eau, D.D.T …), nous avons vu depuis quelques mois s’installer de nouveaux agriculteurs et avec eux de nouvelles familles, de nouvelles envies et de nouveaux projets.

Rien que pour cela, rien que pour eux, nous ne pouvons nous permettre de laisser passer notre chance.

 Rémy Margiela