La crèche provençale : le santoun

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Ce personnage insigne, le santon (du provençal « santoun », c’est-à-dire « petit saint »), est riche d’une longue histoire qui plonge ses racines au plus profond des premiers temps chrétiens. Ainsi, à Rome, dans une chapelle des catacombes de Saint-Priscille, une fresque de la première moitié du Ier siècle montre l’une des : premières figurations connues de la crèche. Dans une salle contiguë, on voit l’Adoration des Mages que l’on retrouve, peinte au IIIe siècle, dans une galerie voisine.

Au IVe siècle la crèche s’enrichit de l’âne et du bœuf que l’on trouve sur un mur du cimetière romain de Saint Sébastien. Des écrits apocryphes mentionnent cet âne, ce bœuf, qui sont absents de l’Evangile. Cette crèche un peu plus complète, la voici au grand jour sur des parois de sarcophages des IVe et Vè siècles aux lieux chrétiens les plus célèbres : Rome, bien sûr, Milan, Mantoue, Ancône, Syracuse, Arles, Saint Maximin où les provençaux la chérissent. Mais plus secrète, elle orne manuscrits, miniatures, tissus, ivoires, pierres et peintures orientales. Une opinion bien ancrée veut que la crèche soit un acte d’amour franciscain ; que ce soit François d’Assise lui-même qui, le premier, ait fait une crèche vivante à Greccio : celle que Giotto a prise comme sujet d’une de ses plus belles fresques. Comme on le sait, la mère de François était de Beaucaire (d’autres disent de Tarascon).

Après la révolution Française, les églises furent fermées et la messe de minuit interdite. Il n’y avait donc plus aucune représentation de la nativité pendant la période de Noël. Pour pallier à cela, les croyants commencèrent à représenter la nativité dans leur foyer, le plus souvent en mie de pain et à l’abri des regards, car cela était proscrit.

Ce n’est que début 1800 que les crèches réapparurent dans les églises. A cette époque, un Marseillais, nommé Louis Lagnel, eut l’idée de modeler les personnages de la nativité dans de l’argile, et de créer des moules pour reproduire ses modèles en série. Il représenta également les gens qui vivaient autour de lui, le boulanger, le rémouleur… Le premier santon et la crèche Provençale étaient nés, et les Provençaux contribuèrent pour beaucoup à son expansion à travers la France.

Depuis, la cuisson de l’argile a fait que les santons sont beaucoup plus résistants au temps, mais les techniques de fabrication restent toujours les mêmes de nos jours, dans la plus pure tradition artisanale.

  C’est en tout cas sur le beau Pré de foire que Pica Bernardone rencontre le marchand drapier de Lombardie qu’elle épousa. S’il est vrai, qu’héritiers de ces santibellis de plâtre que vendaient les Napolitains en Provence et en Languedoc, les santons aient déjà existé en ce XIIIe siècle, dans les provinces du Midi et sur les bords du Rhône voyageur, il est possible que la jeune épousée, suivant son marchand de mari, ait emporté son humble crèche en Lombardie, Marseille, Arles, mais aussi bien plus loin au cœur des terres provençales. C’est à dire à Brignoles, Apt, Sisteron, Riez et bien d’autres cités au long et glorieux passé, qui l’assurent parmi beaucoup d’autres légendes.

C’est ainsi qu’en 1806, des santonniers de Provence ont créé la foire aux crèches de Marseille. C’est la figuration des petites gens du peuple de Provence dans l’initiation au grand mystère de Noël. Les Marseillais d’aujourd’hui comme leurs ancêtres, peuvent se procurer ces personnages dans les stands qui sont installés sur la Canebière, du début Décembre à la Noël. Depuis plus d’un siècle, sur la Canebière, dans un éternel recommencement, les familles de toute la région ne manquent pas, dans la cohue automobile de notre temps, de venir admirer les symboles immuables d’une Provence perdue.     (Texte rédigé par l’Atelier Simone Jouglas)