On a vu que le village des Pilles, en raison de sa position sur la route des Alpes, avait été connu dans l’Antiquité et avait notamment vu passer les marchands grecs, les soldats de Carthage et naturellement les Romains.
Au Moyen-âge, le village pouvait être considéré comme la clé des Baronnies, à l’est de Nyons, et sa population était sensiblement plus dense que de nos jours, d’autant plus que, soumise au Pape, elle ne payait que des impôts légers ce qui attirait vers elle des habitants de localités voisines beaucoup plus lourdement imposées.
Il n’est pas étonnant dans ces conditions, et par suite de la répartition de ses maisons sur les deux rives de l’Eygues, qu’un pont important ait été construit dans un passé déjà lointain.
Cet ouvrage, qui ressemblait comme un frère à celui de Nyons, lui était peut-être contemporain. On sait que celui-ci fut achevé au début du 15ème siècle et a résisté à tous les ouvrages du temps et des hommes. Le pont des Pilles était plus étroit que le pont de Nyons et les nombreuses bornes disposées de part et d’autre de la chaussée, fortement en dos d’âne, pour protéger les parapets réduisaient encore la largeur du passage mais il aurait pu encore durer des siècles s’il n’avait été victime de la guerre.
Destruction du pont
C’est en effet en juin 1944 qu’un résistant le fit sauter avec une charge d’explosif. Celui-ci avait été disposé depuis quelque temps et il semble que c’est à la suite d’une erreur ou d’un malentendu que la charge fut mise à feu car la destruction de l’ouvrage ne pouvait avoir aucune influence dans la lutte engagée contre les troupes hitlériennes.
Dans un vacarme effroyable et un nuage de poussière qui furent perçus de loin par les travailleurs des champs la belle arche du pont s’effondra dans l’Eygues qui eut tôt fait de faire disparaître dans son courant les pierres mutilées.
La passerelle
Mais la population-se trouva alors devant le difficile problème de la communication entre les deux rives. Les agriculteurs de la rive droite, en période de basse eaux, avaient là possibilité à la rigueur de gagner la rive gauche où se trouvaient leurs cultures, en traversant la rivière là où ses berges étaient les plus accessibles c’est-à-dire entre la Jardinière (endroit où se trouve le monument aux morts) et le pré du Béal, en face, mais si l’Eygues était grosse il fallait faire le long détour par le pont de Curnier.
Aussi en septembre 44 un comité d’entraide pour l’aménagement provisoire d’une passerelle lança-t-il un appel à la population des Pilles, de Châteauneuf et de Montaulieu. Présidé par M. Charles Hugues, propriétaire de la scierie située à la sortie est des Pilles, devenue depuis propriété de M. Emmanuel Rodari, ce comité qui avait également à sa tête le maire M. Bonnefoy et le président du Comité de Libération, M. Martin, avait pour vice-président M. Félix Peyrol, trésorier, M. Charles Coynel, secrétaire, M. Abel Long et administrateur, Mrs Henri Brès, René Dens, Gabriel Mourier et Fernand Chabrol.
Non seulement les habitants souscrivent pécuniairement mais imitant l’exemple de leur maire M. Bonnefoy qui avait eu l’idée de constituer cette passerelle au moyen de peupliers qu’il possédait au pré du Béal et que M. Hugues débita comme il convenait. Chacun apporta son concours à la confection de l’ouvrage sous la direction de M. Dante Rodari, entrepreneur à Nyons.
De la sorte, tous les piétons purent passer d’une rive à l’autre en attendant la passerelle entièrement horizontale édifiée plus tard par M. Rolland, entrepreneur et maire de Ballons, adjudicataire du pont en béton pour les Ponts et Chaussées et qui ne fut réalisé que beaucoup plus tard avec, de nouveau, la participation active des habitants des Pilles qui sont coutumiers du fait et savent toujours défendre les intérêts de la collectivité dans un exemplaire esprit d’amitié et de solidarité. (La Tribune 6 avril 1978)
Péage
Un manuscrit datant du 1er juillet 1557 précise que « pour chacune beste passant par le dit lieu, portant sel, blé, avoine ou autre graine, se paye deux deniers ; item pour chaque beste portant vin, deux petits deniers ; item pour chacune beste portant huile, fromage, chenepoie ?, lavis ?, fenis ?, merceries, draps et autres bonnes marchandises, et chasse de bois, douze petits deniers. » (Dauphiné Libéré 8 mai 1975)